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Portrait #1 – Aurore, électron libre

Je m’appelle Aurore et je suis originaire de Lorient. J’ai passé le cap de la trentaine l’été dernier, non sans rebondissements. En effet fin 2018, j’ai décidé de lâcher une vie parisienne très confortable et un chemin (presque) tout tracé pour réaliser mon rêve : voyager. Je suis partie en solo sur les routes du monde pendant un peu plus d’un an et au-delà des rencontres et des expériences que j’ai vécu, j’ai eu une véritable révélation pour le nomadisme.
Au fil des mois et des voyages, j’ai découvert progressivement, à mon rythme, une autre façon de voyager et d’aborder le monde qui m’entoure.
 

Comment s’est faite ta prise de conscience écologique ? 

L’écologie n’a jamais fait partie de mon éducation : à la maison on mangeait de la viande et du poisson tous les jours, le réfrigérateur et les tiroirs débordaient de provisions ce qui occasionnait du gâchis alimentaire et j’ai passé une partie de mes études à ne manger que des plats préparés…
Avant de partir voyager j’étais flexitarienne, c’est-à-dire que je n’achetais quasiment plus de viande ou poisson, mais en revanche j’en consommais encore quand j’allais manger à l’extérieur. Je faisais également attention à limiter mes déchets en planifiant mes repas à l’avance pour éviter le gaspillage et je me suis mise à me séparer d’une partie de mes vêtements ainsi que de mon mobilier lorsque j’ai décidé de partir en voyage.
 
Mon déclic va en faire sourire plus d’un mais en fait ça été de découvrir la nature (oui tu as bien lu). J’ai passé un mois en Patagonie où j’ai fait des randonnées, du camping, de l’autostop et cela m’a bouleversé.
Étant citadine, je passais très peu de temps dans la nature (à part pour aller à la plage ou faire du ski) et je n’avais jamais fait de randonnée et de camping de ma vie ! Forcément en Patagonie j’ai voulu essayer, d’abord pour rire de moi-même et puis ensuite pour sortir de ma zone de confort.
Et en fait cette immersion m’a complètement fait vriller, j’ai découvert à quel point marcher seule dans la nature est puissant et méditatif. La prise de conscience qui s’en est suivie ensuite a été assez brutale : cette nature que je trouvais si belle était extrêmement vulnérable. Alors que je faisais le trek W du parc Torres del Paine dans le sud du Chili, un bloc du glacier Grey s’était détaché et partait à la dérive. C’était une conséquence directe du réchauffement climatique que j’avais sous les yeux, à partir de ce jour là, je ne pouvais plus dire que je ne le voyais/savais pas.
 
Par la suite, la vie m’a mis sur le chemin des voyageurs engagés et inspirants qui ont largement contribué à mon éducation écologique et m’ont fait voir que là où je voyais des contraintes (devenir végétarienne, moins prendre l’avion, etc.), il n’y avait que des solutions et d’autres manières de voyager à découvrir.
 

Quel impact cela a-t-il eu sur ta vie quotidienne et professionnelle ?

 Je suis devenue végétarienne il y a quelques mois et je n’achète presque plus de vêtements (ou j’essaye de privilégier les achats utiles et de seconde main). Quand je suis en France je fais en sorte de tout faire à vélo pour les petites distances et sinon le train pour aller plus loin.

Durant 4 ans j’ai travaillé successivement comme juriste dans un département, consultante secteur public pour un cabinet de conseil puis conseillère en finances locales pour les mairies.

À l’époque je me voyais bien évoluer comme assistante parlementaire ou travailler dans un ministère et puis un long travail sur moi-même est venu « perturber » cet ordre établi.

Je ne comprenais pas pourquoi je m’ennuyais déjà dans ma vie de « jeune cadre dynamique » que j’avais pris pour le graal. Une séparation douloureuse a fini par me faire comprendre que je ne vivais pas pour moi et que je me conformais aux désirs des autres pour rentrer dans un moule. Je me suis rendue compte que la vie que je menais n’avait plus de sens et que la seule chose qui me procurait de la joie étaient mes vacances.

Je faisais exprès de partir le plus loin possible car je ressentais un profond besoin d’exploration, de sortir de ma zone de confort et d’aller à la rencontre d’un monde inconnu.

En février 2018, alors que je revenais du Myanmar, je me suis mise à lire l’Alchimiste de Paulo Coelho et ça a raisonné très fort en moi. Partir voyager a sonné comme une évidence et au fond de moi j’avais l’impression que si je ne le faisais pas j’avais complètement passer à côté de ma vie.

Étant passionnée par l’écriture, je suis devenue rédactrice web/digital nomad durant mon voyage. Je peux donc travailler partout où je le souhaite. 

Depuis quelques mois je ressens un profond besoin de m’aligner sur le plan professionnel et donc de collaborer avec des clients éthiques et à impact social positif.

En tant que rédactrice je m’interroge beaucoup sur mon positionnement car beaucoup d’entreprises ont intégré le référencement dans leurs stratégies marketing, ce qui fait du contenu web un outil vente et donc de consommation alors que je ne souhaite pas spécialement l’encourager… Donc cela m’amène à me questionner sur les clients que je souhaite accompagner, je ne raisonne plus quantitativement (il faut que je fasse des missions pour gagner de l’argent) mais qualitativement : quels projets ai-je envie de soutenir demain ?

C’est ici que ma vie pro et perso se rejoignent : je veux pouvoir rester libre de mes choix et aller vers ce qui m’apporte de la joie et va me faire grandir.

Et comme toute multi-passionnée qui se respecte, j’ai récemment passé une formation pour devenir professeur de yoga et je rêve d’exposer mes photographies de voyage ou encore donner des conférences sur les expériences que j’y ai vécu.
 

Quel a été ton déclic par rapport à ta façon de voyager ?

Mon rapport au temps et au monde qui m’entoure. Je me suis rendue compte qu’organiser mes voyages par zone géographique c’était bien mais loin d’être satisfaisant car souvent par facilité ou pour aller plus vite je prenais quand même des vols intérieurs.
Progressivement je me suis mise à rester plus longtemps dans chaque endroit où j’allais et la durée de transport d’un point à un autre ne m’a plus dérangé.
En Argentine comme en Inde, j’ai fait parfois des trajets de 15 heures, 22 heures sans m’ennuyer.
Je me suis rendue compte qu’en ralentissant je profitais beaucoup plus des lieux que je visitais mais surtout je mettais beaucoup plus de conscience dans tout ce que je faisais.
On ne peut pas être pleinement présent quelque part, à un instant T, quand on anticipe déjà ce qu’on va faire après et qu’on cherche à gagner du temps.
 

Quelle a été ton évolution par rapport au voyage ?

Avant mon déclic, j’étais complètement dans ma bulle (en gros je n’étais absolument pas sensibilisée aux questions écologiques). Je sautais dans des avions à la moindre occasion (je cherchais même à battre mon record de l’année précédente). Je n’avais jamais entendu parler de mon empreinte carbone, bref j’ai mis du temps à vraiment me sentir concernée par l’environnement.

Je suis devenue végétarienne alors que j’étais en Inde donc sachant que 30% de la population ne mange pas de viande cela ne m’a pas vraiment posé de difficultés de me nourrir (contrairement en France où je me suis faite avoir plusieurs fois…).

En revanche où cela est plus compliqué c’est que pour moins prendre l’avion (ou ne plus le prendre du tout), il faut partir longtemps et donc du temps ! Donc forcément quand j’explique à mes proches que je vais partir 6 mois, 8 mois voire plus car je ne me sens plus du tout alignée en prenant l’avion aussi fréquemment qu’auparavant ils font une de ces têtes ! Mes parents voulaient même que je fasse l’aller retour depuis les Philippines pour être avec eux pour Noël et ça n’a pas été facile de leur dire non (le soir du 24 décembre quand je les ai vu en visio je ne faisais pas la maligne).

Pour mes prochaines aventures j’envisage très sérieusement de me passer de l’avion (ou d’en prendre un par an si raison exceptionnelle), donc cela veut dire que si je veux retourner en Inde cela me prendra plusieurs mois et que si je veux aller en Amérique centrale je vais devoir trouver un bateau (sachant que je ne sais pas naviguer bien entendu).

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Quels apprentissages as-tu retiré de tes voyages ?

Que nous sommes tous petits à l’échelle du monde mais que notre impact lui est loin d’être négligeable. Nos paroles, nos actions et notre manière d’être ne sont jamais neutres : nous pouvons laisser de la pollution derrière nous, tout comme semer des graines.
J’ai appris que la vie aura toujours plus d’imagination que nous, que voyager c’est retourner à l’école de la vie en acceptant de ne pas tout savoir et de déconstruire tout un système de croyances, et surtout que tout commence par nous : plus tu te sentiras bien avec toi-même, plus tu auras de la gratitude, du respect et de l’amour envers les autres et notre belle planète.
Ce voyage peut ressembler à un long (et douloureux) chemin vers soi-même pouvant nous mener vers une prise de conscience individuelle, sociétale et environnementale.
 

Quels conseils donnerais-tu à d’autres voyageurs pour voyager de manière plus responsable ?

Je leur dirais de suivre leur propre chemin vers la transition écologique et qu’ils vont continuer d’apprendre à faire mieux tous les jours. Cela peut être par les livres, les documentaires, les rencontres qu’ils vont faire.

Observer et interroger des voyageurs engagés que je rencontrais, m’a permis d’avancer dans mon cheminement, certaines conversations m’ont parfois bousculées face à mon inaction (tellement j’étais dans le déni).  D’autres fois, l’évolution se faisait de manière très naturelle. Je me suis mise à emporter des tote bags et des sacs en tissus partout avec moi, à rechercher des lieux éco-responsables où manger et dormir etc.

Il est urgent d’agir pour l’environnement et d’adopter des gestes éco-responsables mais j’ai le sentiment qu’ils auront beaucoup plus d’impact s’ils résonnent en nous plutôt que si on se force.

Si on a l’impression de renoncer à quelque chose cela peut indiquer que nous ne sommes pas prêts ou que ce n’est pas la bonne méthode. Dans mon cas, passer des semaines entières à marcher dans la nature et m’accepter corps et âme ont fait la bascule de manière naturelle.

Quels sont les voyageurs responsables qui t’inspirent le plus ?

Les Artisans de demain pour leurs reportages immersifs au plus près de la réalité et qui démontent tous les clichés que l’on a sur des pays « dangereux ». La manière dont ils voyagent est simple et respectueuse des lieux où ils s’aventurent.
Céline d’Iznowgood, pour leur voyage d’un an sans avion qui m’a impressionné, pour ses mots et ses réflexions pleines de bons sens, et pour son humilité qui m’inspire un profond respect.
 

Champ libre

Ces dernières semaines nous assistons à une « convergence des luttes » salutaire : écologie, colonialisme, féminisme notamment. Tout ces sujets ont un point commun : le mépris et la destruction du vivant. Quand on sait qu’il y a un lien entre le racisme, la destruction des eco-systèmes et les violences faites aux femmes cela amène à des constats assez effrayants ! En fait, ce que fait l’Homme aux autres et à la nature n’est qu’un miroir tendu de ce qui se joue en lui. L’histoire m’a toujours intéressée mais j’ai l’impression d’être passée à côté de tant d’informations car certains sujets n’ont tout simplement pas été abordés à l’école ou à l’université, donc je lis et regarde tout ce qui peut m’être utile pour avoir une opinion plus éclairée et réaliste.
 

Les recommandations d’Aurore

Documentaires : Human (de YAB), Les routes de l’esclavage (4 parties) et 13th sur Netflix (très complémentaires), Demain
Livres : les livres de Sylvain Tesson qui invitent tous au slow travel et à la contemplation, Oasis interdites d’Ella Maillart, Le Pouvoir du moment présent d’Eckhart Tolle

Tu peux retrouver Aurore sur son compte Instagram @aurore_vx

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